Léa et les autres

Publié le par Céline à 22h05

Cet apres-midi, Léa est partie.
Partie où ? Qu'est ce que j'en sais moi... Ailleurs, quelque chose comme un paradis, ou un nulle part. Une autre vie, ou rien du tout.
Je ne la connaissais même pas, moi, Léa. Seulement, depuis quelques jours, je correspondais avec son papa, et suivais ses nouvelles, de moins en moins bonnes... Et j'enrage. Parce qu'il faut savoir que Léa n'avait même pas 9 mois. Y a pas d'âge pour mourir, mais merde, quand même... Y a pas de jour pour mourir non plus, à noël la maladie ne fait pas de break. Sa maladie c'était une amyotrophie spinale. Une saloperie que je connais bien, même si moi c'est de la rigolade...

Et là j'ai envie de vous dire que mon article sur le téléthon, c'était de la connerie ! Des belles paroles qui ne résistent pas à ce genre d'épreuve ! Oui j'ai de la colère, là. Une colère énorme qui ne demande qu'à hurler, frapper, dégueuler. Parce qu'on ne peut quand même pas subir ce supplice incompréhensible, il faut une raison, et il n'y en a pas !!! Une hécatombe, un carnage inexorable. Chaque année la liste s'allonge, chaque hiver, le moindre rhume devient tragique et nous arrache nos petiots. Et qu'y en a plus que marre.
Je veux pas adopter un ton larmoyant. C'est pas mon genre. C'est pas non plus ce dont ont besoin ces familles déchirées par l'absence. Parce qu'elles s'en sortent souvent, oui. La tête admirablement haute. Puisant une force incroyable, on ne sait où. Eux-même ne savent généralement pas. Ne dites jamais « moi je ne m'en relèverais pas ! », eux non plus ne s'en savaient pas capables...
Et puis à dire comme ça, ça doit sonner aussi triste qu'irréel. Un peu comme on dit « finit ton assiette, des petits enfants meurent de faim dans le monde ! »... Ca ne fait pas avancer leur problème...
Mais moi, ça me deverse la colère...

... Et puis voilà... Arrivée là, je me dis que je suis incorrigible... Je refuse cette colère, et, ce que je ne pensais pas possible il y a 5 minutes, il faut que j'en fasse quelque chose de « positif ».
Pour Léa, plus rien n'est possible. Pour les prochains, la recherche oeuvre. Tellement lentement, mais elle oeuvre.
Mais pour la mémoire de Léa, d'Emilien et des autres, je me dois de savourer ma chance. De ne pas la gâcher. (Oui, vous aussi !)
Putain, on est en vie. On a la chance de pouvoir construire cette vie. On a le DEVOIR d'en faire quelque chose. De donner du sens à chaque jour. Jouir de chaque minute. VIVRE le temps. Ne pas le traverser distraitement. Arrêter de repousser à demain (ma spécialité ça). Rire, chanter, danser. Qu'aucune journée n'ait été vaine.


Ca sera ma seule résolution pour 2006...



J'espère que ça ne vous semble pas trop abstrait, à vous qui n'avez pas connu ces gamins, ces familles... Pas trop donneur de leçon, ou misérabiliste... Mais s'il vous plaît, croyez-moi sur parole.

Si je dois mourir à mon tour, je veux que vous arriviez à cette seule conclusion. Alors commencez tout de suite, c'est encore mieux. 

 

Publié dans celinextenso

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L
Je n'avais pas pris le temps de lire tout, et c'est parceque j'ai les idées un peu plus clair que je me suis permis de voguer sur tes archives.<br /> Ma réponse est oui, les parents s'en sortent assez bien de la disparition de leur petit car ils savent que la bataille qu'il menent ne sera jamais fini.<br /> Aujourd'hui, ma bataille pour le souvenir de ma fille sera le soutient au familles des malades par ma présence ou par notre histoire. Je ne peux et aucun parents, ne peux croire que son enfant est disparu en vain.<br /> Elle nous aura permis également de croiser des gens formidable comme toi (bah , ne rougit pas c'est vrai .......un peu) et bien d'autres. Des anonymes qui ont su soutenir durant une periode difficile notre petite léa et nous meme par des mots que bien des membres de ma famille ou de ma femme n'ont su exprimer.<br /> Oui, il faut savourer la vie non pas seul mais en la partageant et en rappelant, aux gaspilleurs de temps leurs erreurs. Ils ne comprendront peut etre pas mais au moins ils auront eu le temps de la reflexion......<br /> Encore merci pour elle
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C
Si ce petit mot peut contribuer à faire vivre Léa dans nos mémoires...
F
Ce que tu decris là, ton post, je le ressens depuis 4 ans maintenant. Voir un bébé de 9 mois puis un garcon de 6 ans supporter les operations, souffrir pour mourir ça met en colère. Forcément. On a pas le droit de se plaindre, on a pas le droit de lacher prise sur la vie alors que nous on est "normaux" pas de maladie, on vit "normalement"  N'envoye pas bouler  ton post sur le Téléthon, il est juste au fil des ans on percoit ce que tu voulais nous faire comprendre. Je sais pas si tu avais lu sur les forum myonet y a des superbes poémes qui me donnent cette rage de me battre et de vivre à chaque lecture.   
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C
Ah Flavie... Il faudrait que je t'écrive un ptit mail tiens ! :-)<br /> *penser à écrire à Flavie*<br /> *penser à écrire à Flavie*<br /> *penser à écrire à Flavie*
E
La colère contre l'absurdité de la maladie, de l souffrance et de la mort, c'est aussi la vie... C'est donc une colère positive que vous exprimez ici...
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C
Je t'embrasse Céline<br /> C'est rare de te voir en colère...mais il y a de quoi...mourrir la veille de Noël...alors oui, puisqu'on a cette chance de vivre de manière complètement bancal eparfois (et je ne parle pas seulement d'handicap physique, mais de tous les autres qui se voient sans doute moins mais qui sont des détresses absolues parfois) <br /> donc puisqu'on a cette chance, dansons, chantons, VIVONS à fond...on peut mourir demain (toi comme moi, comme nous)
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